Paris, le 5 novembre 2018
Position de la FEVAD concernant le projet de création d’une nouvelle taxe sur les achats réalisés sur internet
La FEVAD a pris connaissance de la proposition du Vice-Président de l’Association des Maires de France visant à introduire une nouvelle taxe sur les achats internet, dans le cadre du Projet de loi de Finances pour 2019.
Ce nouvel impôt prendrait la forme d’une taxe forfaitaire de 1€, payée par les Français, pour chaque commande passée sur internet et livrée à domicile. Cette taxe serait collectée par le vendeur auprès du consommateur puis reversée par l’e-commerçant au Trésor public. Son produit serait destiné à financer une baisse de la taxe foncière pour les commerces physiques de moins de 400m2.
La Fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD) et ses adhérents souhaitent alerter sur les conséquences néfastes de ce tour de passe-passe qui relève d’une politique fiscale, dépourvue de vision d’ensemble.
- Une nouvelle taxe sur un service déjà taxé
Les frais de livraison sont actuellement soumis à TVA. La nouvelle taxe viendra donc s’ajouter à celle déjà payée par les consommateurs sur la livraison. Il s’agit donc d’une taxe additionnelle sur un service déjà taxé à hauteur de 20%. Cela ne fera qu’alimenter le sentiment de ras-le-bol fiscal et la sensation de perte d’achat des Français, avec ses conséquences négatives attendues sur la consommation des ménages traditionnellement essentielle à notre économie.
Pour rappel, selon un récent sondage, 3 Français sur 4 estiment avoir subi une nette baisse de pouvoir d’achat ces derniers mois. Une situation qu’ils associent aux nombreuses hausses de taxes. Plus de 70% à avoir le sentiment que la pression fiscale s’est accrue ces derniers temps (source : Elabe, octobre 2018).
- La France des campagnes à nouveau prise au piège de la fiscalité
Les plus exposés à cette taxe seront les Français qui éprouvent des difficultés à se déplacer et qui n’ont pas d’autre choix que de se faire livrer à domicile, ainsi que ceux qui vivent dans les zones rurales, et pour qui l’e-commerce représente le moyen d’accéder à la même offre que celle disponible dans les grandes zones urbaines. Ces derniers, déjà particulièrement affectés par la hausse des taxes sur les carburants, risquent à nouveau d’être pris en otages par la nouvelle taxe. De fait, ils n’auront souvent pas d’autres choix que de payer, sauf à parcourir plusieurs kilomètres en voiture pour se rendre au bureau de poste ou au centre commercial le plus proche avec une externalité négative supérieur à celle d’une livraison à domicile.
A cet égard, la FEVAD rappelle que sur le plan environnemental, il est largement préférable d’avoir une seule voiture qui livre 50 clients, dans le cadre d’une « tournée » optimisée, plutôt que 50 voitures de particuliers qui font le trajet aller-retour pour aller retirer leur commande en magasin
- Une menace directe pour l’activité et la survie de dizaines de milliers de TPE/PME
Alourdir la fiscalité sur les achats réalisés auprès des sites français, c’est prendre le risque de favoriser l’activité et l’emploi des e-marchands situés à l’étranger. Plus de la moitié des e-acheteurs français déclarent aujourd’hui commander sur des sites étrangers (source : CSA, janvier 2018), l’existence de prix plus attractifs arrivant en tête de leurs motivations. Ce nouvel impôt ne fera que renforcer l’attractivité des sites étrangers auprès des consommateurs français. Or, non seulement ces achats ne supporteront pas la taxe 1€, mais ils feront également perdre à notre économie l’activité et les recettes fiscales auxquelles ils auraient donné lieu, si les ventes avaient eu lieu sur des sites français (TVA, impôts sur les sociétés, taxe foncière, CVAE, …).
Les entreprises les plus touchées seront en tout premier lieu les TPE et PME qui, à elles seules, représentent plus de 80% des entreprises du secteur. Ces dernières disposent en effet d’une plus grande dépendance à la livraison à domicile et génèrent des commandes d’un montant souvent inférieur à la moyenne.
Compte tenu de leur fort niveau d’exposition à la concurrence, du faible niveau de leurs marges et de leur situation financière encore fragile, pour les plus récentes d’entre elles, ce sont donc des dizaines de milliers de TPE/PME qui sont directement menacées par la nouvelle taxe.
- Un rendement très incertain et une perte sèche de recettes pour l’Etat
Selon l’auteur du projet, la taxe 1€ rapporterait 330 millions € ce qui, selon ses calculs, correspondrait au nombre de colis livrés à domicile. La FEVAD conteste cette estimation.
D’une part, elle ne partage pas l’évaluation qui est faite du nombre de colis livrés à domicile, qu’elle considère surestimée. D’autre part, elle rappelle que le texte prévoit que la taxe 1€ s’applique par commande, or une même commande peut comporter plusieurs colis.
Enfin, et surtout, elle rappelle que la livraison à domicile génère chaque année des recettes fiscales importante en raison de la TVA appliquée sur les services de livraison. A titre d’exemple, la TVA sur colis de 3kg (e.g. un jean et des chaussures) livré à domicile via Colissimo est de l’ordre de 2€. Tout client qui décidera de se faire livrer en magasin, plutôt qu’à domicile, pour éviter la taxe de 1€, fera donc perdre 2 € à l’Etat, sans compter la perte de chiffre d’affaires pour la Poste, opérateur du service universel.
- Un très mauvais signal donné à la modernisation du commerce de proximité
Le « numérique » est aujourd’hui entré dans les habitudes de consommation des Français. La transition numérique des commerçants représente un des enjeux majeurs de la modernisation du commerce. Plusieurs études montrent que grâce au e-commerce de nombreux commerces de proximité et artisans ont réussi à développer leur activité. La vente sur internet permet en effet à ces derniers de commercer bien au-delà de leur zone de chalandise en livrant des clients sur tout le territoire. Récemment, le Président de l’Association Centre-Ville en Mouvement, soulignait « la nécessité pour le commerce de proximité de s’adapter aux nouveaux besoins du consommateur et de devenir performant sur le terrain du e-commerce ».
Dans ce contexte, la taxe sur les achats internet relève non seulement d’une politique fiscale passéiste, visant à alléger pour mieux prélever, en additionnant sans cesse les prélèvements obligatoires, mais elle constitue également un élément de dissuasion pour les commerçants de proximité qui souhaitent développer leur activité magasin sur internet, alors même que cette transition numérique fait partie intégrante de tous les plans de revitalisation des commerces de centres-villes.
Compte tenu de ce qui précède, la FEVAD considère que la mesure proposée fondée sur une vision consistant à opposer e-commerce et commerce, ne constitue pas une réponse adaptée au défi que représente la revitalisation des centres-villes, lequel appelle des solutions d’ensemble, concertées et qui soient fondées l’inclusion des différentes formes commerce à l’évolution des modes de consommation.
La FEVAD appelle donc le gouvernement et les parlementaires à ne pas soutenir cette mesure parfaitement inadaptée et qui ferait de la France le seul pays en Europe et sans doute au monde, à taxer les consommateurs sur leurs achats en ligne.
Contact :
Marc Lolivier – Délégué général