Proposition de loi pour lutter contre la haine sur Internet, quel impact pour les marketplaces
En mars dernier, une proposition de loi a été déposée à l’Assemblée Nationale visant à lutter contre la haine sur Internet. Le texte, renvoyé à la Commission des lois, a pour rapporteur la députée Laëtitia Avia (La République En Marche) qui a également co-écrit le rapport commandé par le Premier Ministre sur le sujet l’an dernier. Face à la prolifération des contenus haineux en ligne, le Gouvernement a affirmé sa volonté de lutter contre ce phénomène, en inscrivant notamment le sujet à l’ordre du jour de la réunion ministérielle sur le numérique prévue ce 15 mai, en amont du sommet du G7 présidé par la France fin août. La FEVAD soutient cette ambition et estime légitime que les acteurs du numérique contribuent à la lutte contre les contenus illicites.
La proposition de loi précise les obligations reposant sur les plus grands opérateurs de plateformes et vise à durcir la mise en œuvre des obligations existantes en la matière prévues par la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN). Le texte aborde ainsi le régime de responsabilité des opérateurs de plateforme et propose de définir un nouveau régime de responsabilité administrative, consistant à retirer ou rendre inaccessible dans un délai maximal de 24 heures après notification tout contenu comportant manifestement une incitation à la haine ou une injure discriminatoire, sous peine d’une sanction pouvant atteindre 4 % du chiffre d’affaires annuel mondial de ces opérateurs. Ces nouvelles règles ont vocation à être appliquées à toutes les plateformes qui dirigent leurs services vers la France, quel que soit leur lieu d’installation. La détermination des opérateurs de plateformes à fort trafic, sera établie selon un seuil de connexion mensuel sur le territoire français qui sera précisé par décret (la rapporteure indiquant son souhait de fixer ce seuil à 2 millions de connexions mensuelles).
En amont de l’examen du texte, la FEVAD a participé lundi 13 mai à une audition avec la rapporteure sur son invitation pour éclaircir les contours de sa proposition, notamment en ce qui concerne le champ d’application.
Une première analyse de la proposition de loi semble indiquer que les places de marché de vente en ligne pourraient être couvertes par le champ d’application, l’article 1er du texte se fondant en effet sur l’article L. 111-7-I du code de la consommation, qui inclut toutes les plateformes (qu’elles soient transactionnelles ou non), puis fait ensuite référence à une partie seulement des plateformes transactionnelles lorsqu’elles exercent la mise en relation de plusieurs parties en vue du partage de contenus publics.
La rapporteure a indiqué que les marketplaces ne rentraient pas dans le champ d’application de la PPL. Le texte doit encore être précisé sur certains points, et faire l’objet d’un examen et d’un débat parlemenaire, mais nous notons qu’à ce stade, les places de marché, dont l’objet principal concerne les biens et services et non le partage de contenus publics, ne font pas partie des catégories d’opérateurs de plateforme en ligne visées par la PPL.
Il est important de rappeler que la LCEN prévoit déjà (en son article 6.I.2) le principe selon lequel les plateformes, informées du caractère illicite de contenus publiés, doivent agir promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible. La difficulté pour les opérateurs de plateformes en ligne à apprécier l’illicéité d’un contenu soulève des questions fondamentales, d’autant plus que le délai particulièrement court de 24 heures dans lequel les opérateurs auraient à se prononcer, et les sanctions relativement élevées (jusqu’à 4% du chiffre d’affaires annuel) auxquelles elles seraient exposées, peuvent laisser craindre un excès de prudence de leur part.
La FEVAD a rappelé les difficultés opérationnelles existantes pour mesurer de manière harmonisée le trafic des sites, selon le type d’acteur dont il s’agit, le support de connexion retenu, la prise en compte du nombre de personnes se connectant ou du nombre de connexions, etc.
Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel est consacré comme le régulateur compétent pour s’assurer de la lutte contre les propos haineux sur Internet par les plus grandes plateformes visées par le champ d’application de ce texte.
S’agissant de la responsabilité pénale de l’opérateur, la LCEN prévoit actuellement (en son article 6.VI.1) une peine d’un an d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende le fait. La députée propose de porter ce niveau d’amende à 250 000 euros.
Enfin, le texte consiste à préciser les éléments permettant d’acter la présomption de connaissance par les opérateurs, de la publication de tels contenus sur leur plateforme. Il s’agit également de simplifier le dispositif de notification du contenu litigieux auprès de l’opérateur de plateforme afin d’assurer une fluidité d’utilisation pour les internautes, qui ne s’appliquerait qu’aux acteurs visés par la PPL et ne concernerait que les contenus haineux, et ne se substitue pas au dispositif existant prévu par la LCEN s’agissant des contenus illicites plus globalement.
La FEVAD continuera de suivre avec intérêt les développements législatifs sur le sujet.