L’interview du mois : Adrien Vaissade, Co-fondateur et CEO de Cleed.AI

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Nous avons eu le plaisir d’interviewer Adrien Vaissade. Il a exercé plusieurs années comme analyste financier, spécialisé dans les introductions en bourse de sociétés tech, avant de suivre sa vocation entrepreneuriale et de créer Cleed.ai, une plateforme complète axée sur la personnalisation et le conversationnel dans le e-commerce, commercialisée depuis fin 2020. Cleed.ai exploite la technologie pour optimiser l’expérience client dans le retail en ligne (de l’accompagnement pré-achat au service client post-achat). Selon Adrien, l’exploitation de l’IA générative va devenir indispensable de par ses capacités à scaler de plus en plus de tâches, rendant l’humain et l’IA complémentaires dans leurs tâches.

1/ Pensez-vous que l’IA générative va transformer le domaine du e-commerce ? Qu’imaginez-vous dans 5-10 ans sur ce secteur ?

Si la technologie elle-même existe déjà depuis plusieurs années, la convergence de grands modèles de langage (LLM) et de plus larges ensembles de données permet aujourd’hui à l’IA générative de créer une qualité de compréhension et d’échange très cohérente.

Cette révolution technologique marque un tournant, en démultipliant l’efficacité humaine et en transformant l’expérience client, tout en permettant aux marques de réaliser des économies significatives.

Au cours des prochains mois et en 2024, le développement des expériences conversationnelles intégrant de l’IA générative devrait se répandre sur une bonne partie de l’univers e-commerce. Chaque acheteur en ligne aura accès à son assistant sur la plupart des sites, qui lui fournira à tout moment des réponses rapides et fiables pour le guider depuis la découverte du produit et l’achat jusqu’aux questions d’après-vente (en complément de conseillers humains lorsque nécessaire).

Le rôle des conseillers humains va progressivement évoluer vers celui d’experts augmentés par l’IA, intervenant dans les conversations qui nécessitent une expertise. L’IA ne sera pas en concurrence avec les conseillers humains : les deux seront complémentaires avec un enrichissement mutuel (gain de productivité et affinage des paramètres).

L’expérience où l’on passe du mode “recherche” (l’utilisateur cherche les produits) au mode “assistant” personnalisé (les produits viennent à l’utilisateur) sera vraiment actée. Bien que l’IA devienne plus accessible grâce à l’IA générative, la datascience et la structuration de l’architecture des solutions est importante pour fournir aux marques une solution à la fois qualitative et scalable.

Déjà dans 2 à 3 ans, je pense que la plupart des marques seront largement équipées, le prompt engineering et la créativité seront devenus clés, puisqu’aucune tâche simple ne sera faite par l’humain. Alors dans 5 à 10 ans, avec la propagation exponentielle qu’offre le digital, on aura certainement déjà optimisé à l’extrême les performances de tous les domaines digitalisables. Je pense qu’on devra alors développer des IA qui aident les humains à suivre les performances de l’IA… ! C’est ce que je ressens déjà en voyant la vitesse à laquelle les projets se développent dans tous les domaines notamment sur le site Thereisanaiforthat.com.

2/ Quels sont les avantages à utiliser l’IA générative pour les entreprises du retail ? Pouvez-vous nous donner des exemples précis d’applications de l’IA dans ce domaine ?

Les applications pour les entreprises du retail sont multiples et les avantages le sont autant : Personnalisation de l’expérience client rendue plus immersive, mais aussi création de contenu et de produits, optimisation de la conception et du merchandising, réduction des coûts et du temps de production, amélioration de la gestion des stocks…

Sur les aspects liés à l’expérience client, nous avons régulièrement testé les capacités de l’IA générative à être confrontée directement au client. Si cela n’était pas le cas il y a quelques mois, c’est aujourd’hui possible (en complément de nos outils existants, en intégrant de nombreux ajustements et tout en laissant la possibilité d’intervention humaine si nécessaire).

Nous nous focalisons sur deux axes :

  • le service client (logistique, FAQ ultra détaillée, …)
  • le conseil et la vente (précisions et recommandations de produits)

Et pour ces deux axes, notre plateforme peut être exploitée de deux manières :

  • en direct avec les clients, pour booster votre conversion : l’assistant conversationnel expert de la marque et de ses produits, assiste le client, tout en maintenant l’humain dans la boucle avec une possibilité de transfert fluide (et une supervision des échanges).
  • Coté marques et service client, pour gagner en productivité : notre plateforme conversationnelle peut également permettre aux conseillers d’avoir des “projets de réponses” qui n’ont plus qu’à être validés ou ajustés si besoin, afin de gagner 65 à 85% de temps selon les cas. Sorte de copilote, l’IA peut donner un pouvoir exceptionnel aux agents, qui se concentrent ainsi sur les tâches à plus forte valeur ajoutée.

Tout cela est réalisé sur mesure pour chaque marque. Il est important de maîtriser la manière avec laquelle l’IA va s’adapter à votre marque (branding, tone of voice, connaissance sur la marque, online vs boutiques, règles de réponses et de sécurité, rôle du conseiller et son scope d’intervention, …). Cela s’étend aussi à la complétion des fiches produit lorsque nécessaire, etc.

Cette expérience se doit aussi d’être omnicanale. C’est pourquoi nous la proposons sur différents canaux (chatbot, emails & CRM, Whatsapp Business, réseaux sociaux, …).

3/ Y-a t’il des limites ou des risques liés à l’IA générative ?

Il faut pouvoir contrôler l’IA Générative pour exploiter son potentiel tout en maîtrisant ses “risques”.

Les 3 limites bien connues qu’il y avait il y a quelques mois tendent à disparaître :

  • Sécurité des données : Le LLM que nous exploitons n’utilise pas les données fournies par les clients pour l’apprentissage. Il est possible d’utiliser différents LLM (modèles de langage autres que ChatGPT) renforcés en sécurité si on exploite la donnée personnelle. Ceci dit, dans la plupart des cas d’usage les informations que nous envoyons à OpenAI ne sont que des métadonnées donc le problème de base n’en est pas vraiment un. Et nous utilisons l’API de Microsoft Azure OpenAI, dont le mode de fonctionnement et les mesures de sécurité sont distincts des modèles publics d’IA.
  • Exactitude de l’information délivrée : Pour éviter les quelques cas d’erreurs, il est possible de limiter uniquement les réponses aux données de la marque (site web, catalogue, APIs pour les informations en back-end, base de connaissance que nous constituons en lien avec la marque). Par ailleurs, l’humain reste clé en bout de chaîne pour les questions plus spécifiques (c’est pourquoi nous proposons des agents spécialisés en customer service pour externaliser cette fonction)
  • Données suffisamment actualisées et bases de connaissances privées : Grâce aux connexions API, à la vectorisation, et aux différents modules que l’on a pu constituer, il est possible de pouvoir faire des requêtes spécifiques sur des bases de données privées et donc actualisées (sans que celles-ci soient envoyées à OpenAI)

Il est aussi important de mesurer et contrôler la qualité de l’IA et d’être dans une approche d’amélioration continue.

Un autre risque est de ne pas l’intégrer à son organisation suffisamment tôt. En effet, les marques qui ne prennent pas ce virage et ne se structurent pas dans ce sens pourront perdre un avantage concurrentiel et une amélioration de performances. Par ailleurs, elle peut aussi s’intégrer à différents niveaux (création d’images, de contenu rédactionnel, d’enrichissement de fiches produit, de workflows pour automatiser des process…) et tout cela permet de réaliser des économies significatives de temps et de budget. Nous accompagnons d’ailleurs aussi les entreprises sur du conseil en développement technologique plus large via notre product studio de développement web et data science.

4/ De nos jours, est-ce que les clients utilisent ChatGPT ou d’autres formes d’IA pour trouver des produits et services sur internet ? Comment pensez-vous que cela va évoluer ?

C’est encore assez récent car l’IA des LLM est connectée depuis peu à internet (ChatGPT n’est pas directement connectée à internet mais uniquement via les plugins, Bing depuis fin mai, Google depuis mi-juillet…). Mais grâce à l’API d’OpenAI et aux outils comme ceux que nous avons développés, la connexion aux données d’un site peut maintenant se faire de manière structurée. Les clients utilisent déjà un certain niveau d’IA sans forcément le savoir mais celle-ci devient plus puissante au niveau conversationnel avec l’IA Générative.

L’IA générative devient progressivement incontournable, la question n’est donc plus vraiment de savoir s’il faut l’adopter mais plutôt comment. Pour assurer une expérience client satisfaisante dans l’univers de l’e-commerce, déployer des parcours clients qui placent le conversationnel et la personnalisation au centre de l’expérience devient clé. Et pour rester compétitif cela passera nécessairement par l’IA, en complément de l’humain qui jouera toujours un rôle clé.

En termes d’évolution, à partir de retours d’expérience je pense qu’un quart des marques souhaitent se positionner pour intégrer ce type de solutions à court terme, une moitié le fera dans 2/3 prochaines années (soit en direct avec le client, soit pour aider leurs équipes internes) et un quart restant a besoin d’attendre des évolutions réglementaires externes ou internes (notamment pour le secteur de la santé, bancaire, etc qui sortent souvent du cadre du e-commerce pur).

En tout cas, il y a un beau potentiel car aujourd’hui car seulement 1,6% des interactions avec les clients en ligne sont automatisées grâce à l’IA à travers le monde. Le e-commerce devrait donc connaître une forte tendance à la hausse, dans la lignée de la croissance des utilisateurs d’OpenAI, qui montre que la demande est là. Cette croissance devrait d’ailleurs être renforcée par le modèle GPT-5 qui pourrait atteindre l’IAG (niveau d’intelligence humaine, prévu pour décembre prochain a priori), qui permettra notamment d’élargir encore plus les cas d’usages…