Le projet français de taxe sur les services numériques, qui ne doit être assimilé ni à une taxe sur les GAFA ni encore moins à une taxe sur le e-commerce, a été examiné en lecture unique à l’Assemblée et au Sénat qui y a apporté des modifications. Le Parlement doit maintenant élaborer un texte de compromis. La Fevad fait le point sur ce qui a animé le débat parlementaire et sur l’avancée des négociations à l’OCDE.
Le projet de taxe sur les services numériques, qui vise les services d’intermédiation en ligne fournis par les places de marché, les prestations de ciblage publicitaire et la vente de données utilisateurs à des fins publicitaires, a vu le jour en France début mars à la suite de l’échec des négociations au niveau européen, et en parallèle des travaux substantiels menés au niveau mondial par l’OCDE.
Ce projet français de taxe sur les services numériques, qui ne doit s’assimiler ni à une taxe sur les GAFA ni encore moins à une taxe sur le e-commerce, a été examiné en lecture unique à l’Assemblée et au Sénat.
Après un vote à l’Assemblée le 9 avril, le Sénat a adopté le 21 mai le projet de loi portant création d’une taxe sur les services numériques avec modifications.
Evolution du dispositif de la taxe sur les services numériques
Alors que tous les amendements à l’Assemblée allant dans le sens d’un assouplissement de la taxe (demande de report de la date d’application, limitation du périmètre pour protéger les exportations des PMEs françaises, introduction d’un seuil de rentabilité, déductibilité du montant de l’impôt sur les sociétés…) ont été rejetés, les modifications suivantes notamment ont été obtenues au Sénat, malgré l’opposition du Gouvernement :
- une clause d’extinction automatique de la taxe en 2021, dans l’attente des conclusions des négociations en cours au sein de l’OCDE (là où les députés avaient obtenu que le Parlement soit informé annuellement de l’avancée des travaux internationaux)
- la distinction des prestations principales et accessoires (permettant d’exclure du champ de la taxe des services tels que les prestations logistiques de stockage, gestion des commandes, transport proposées par certaines places de marché en ligne)
- la déductibilité du montant de la contribution sociale de solidarité des sociétés (mais non du montant ni de l’assiette de l’impôt sur les sociétés).
Débat sur l’équité fiscale entre commerce physique et commerce en ligne
A l’Assemblée comme au Sénat, un débat a émergé sur la fiscalité du commerce. De nombreux amendements concernant le e-commerce ont été déposés en vain et consistaient soit à élargir l’assiette taxable aux ventes directes des sites e-commerce, soit à demander la création de taxes spécifiques au e-commerce, notamment sur les entrepôts ou les livraisons.
Un seul amendement (proposé par le député Gilles Carrez (LR) a été adopté et vise à ce que le Gouvernement présente un rapport d’état des lieux sur la fiscalité du commerce dans les 3 mois suivant la promulgation de la loi. Il est prévu que ce rapport doit élaborer des propositions en vue d’aboutir à un cadre fiscal plus équitable entre les différentes formes de commerce. Le Ministre Bruno Le Maire a indiqué au Sénat fin mai que le rapport était en cours de rédaction et devrait être remis au Parlement à la rentrée, avant l’examen du Projet de Loi de Finances pour 2020.
Le Ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, a indiqué qu’un débat sur la fiscalité du e-commerce par contraste avec celle du commerce physique était souhaitable mais constituait un débat séparé. Il a également mis en garde contre les idées préconçues sur le e-commerce, qui constitue un sujet majeur et a invité à une analyse et étude d’impact très approfondie avant toute décision.
Prochaines étapes
Une commission mixte paritaire est constituée afin d’aboutir à une version de compromis, et à défaut, il reviendra à l’Assemblée nationale de fixer les contours de cette taxe qui toucherait environ une trentaine d’entreprises au total.
Tout au long du processus, la FEVAD a rappelé aux parlementaires son soutien pour l’objectif recherché consistant à taxer la valeur là où elle se crée, avec néanmoins des réserves sur l’assiette retenue fondée sur le chiffre d’affaires, mais l’écueil à éviter consistant à assimiler le e-commerce à l’objet de cette taxe, ainsi que notre préférence pour une démarche concertée au sein de l’OCDE.
Vers une fiscalité mondiale de l’économie numérique ?
En parallèle, les travaux au sein de l’OCDE se poursuivent, avec l’adoption la semaine dernière d’un programme de travail détaillé pour résoudre les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l’économie. Cette feuille de route se fonde sur deux piliers, dans la continuité de la consultation publique à laquelle Ecommerce Europe avait contribué en mars dernier :
- Le premier pilier contient des solutions possibles pour déterminer où l’impôt devrait être payé et sur quelle base, ainsi que sur la partie des bénéfices qui pourrait ou devrait être imposée dans les juridictions au sein de laquelle se situent les clients ou les utilisateurs. A noter que sur ce volet, les Etats-Unis plaident pour une taxation sur le lieu de consommation.
- Le deuxième pilier explore la conception d’un système soutenu par la France et l’Allemagne notamment, visant à s’assurer que les entreprises multinationales, dans l’économie numérique et au-delà, paient un niveau minimum d’impôt. Ce pilier fournira aux pays un nouvel outil pour protéger leur assiette fiscale du transfert des bénéfices vers des juridictions à imposition faible ou nulle.
Un accord politique sur une solution globale et coordonnée pourrait intervenir d’ici la fin de cette année (potentiellement pour la réunion des Ministres des Finances du G20 mi-octobre), et l’OCDE envisage l’aboutissement des travaux en 2020.