Le Grand Débat : intelligence artificielle générative & e-commerce

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Lors de la Grande Finale du Challenge Start Me Up, après une introduction de Patrick Martin, président du MEDEF, qui a posé le contexte économique et politique actuel, trois intervenants se sont retrouvés sur la scène du MEDEF pour échanger sur l’intelligence artificielle générative et son rôle dans l’e-commerce. Nicolas Bouzou, économiste et essayiste, directeur du cabinet d’études Asterès, a apporté son éclairage sur les implications économiques de l’IA. Julia de Funès, docteur en philosophie et essayiste, a exploré les enjeux éthiques et sociaux de cette technologie émergente. Thomas Métivier, PDG de Cdiscount et CEO de Cnova, a partagé son expérience concrète de l’utilisation de l’IA dans le secteur du e-commerce.

L’IA, atout clé du e-commerce dans un contexte économique tendu

Patrick Martin le rappelle très bien dans son introduction, l’Intelligence Artificielle est, cette année encore, un marqueur fort pour l’e-commerce. Dans un contexte économique et politique instable, avec des investissements à un niveau très bas, l’IA est un atout stratégique pour les entreprises. Elle pourrait en effet être une réponse aux tensions de recrutement rencontrées dans les entreprises françaises, conséquence de la profonde transformation démographique en cours.

L’intelligence artificielle est “une opportunité rare de rendre un certain nombre de tâches dans nos entreprises beaucoup plus intéressantes, avec une meilleure valeur ajoutée ». Une chose est sûre, “celles et ceux qui ne s’empareront pas de l’IA très rapidement seront déclassés”.

Distinguer Intelligence Artificielle Générative et Machine Learning

Le Machine Learning et l’Intelligence Artificielle générative émergent comme deux forces majeures dans le domaine de l’intelligence artificielle, chacune avec ses propres caractéristiques et impacts. Le Machine Learning fonctionne comme un mécanisme d’auto-apprentissage, souvent qualifié de « boîte noire » en raison de la difficulté à expliquer précisément ses processus décisionnels. L’IA générative, quant à elle, marque une avancée significative en créant des contenus variés – images, textes, vidéos – à partir de vastes ensembles de données.

« D’un point de vue conceptuel, l’IA générative est une évolution du Machine Learning. En termes d’usage, cependant, elle représente une véritable révolution. » Cette révolution dont parle Thomas Métivier se manifeste de deux manières : premièrement, par la réduction drastique du temps nécessaire pour utiliser ces technologies, grâce à des modèles capables de répondre en temps réel. Deuxièmement, par l’intégration de ces modèles dans des interfaces de chat qui les rend accessibles à tous, permettant d’interagir avec des modèles complexes via de simples échanges textuels.

Cette accessibilité accrue via des interfaces conversationnelles transforme la manière dont les entreprises peuvent interagir avec l’IA, ouvrant de nouvelles possibilités pour l’optimisation des processus et l’enrichissement de l’expérience client. L’intégration de ces technologies avancées permet aux entreprises non seulement d’améliorer leur efficacité opérationnelle, mais aussi de se positionner avantageusement sur un marché où l’innovation technologique joue un rôle majeur.

Des usages personnels aux usages professionnels, l’Intelligence Artificielle Générative va-t-elle changer la donne en termes de productivité ?

L’intelligence artificielle générative s’impose progressivement dans notre quotidien professionnel, dans trois domaines principaux : l’amélioration des opérations internes, l’interaction avec les clients via des systèmes conversationnels, et l’assistance personnalisée des équipes au quotidien, notamment grâce à des outils comme Copilote.

Ces applications se concrétisent déjà dans diverses pratiques comme l’illustre l’expérience de Nicolas Bouzou dans ses usages personnels et professionnels. Il utilise l’IA comme un « sparring-partner » intellectuel, sollicitant son avis sur divers sujets (sans pour autant lui déléguer l’écriture de ses livres). Pour perfectionner son anglais, Nicolas consacre quotidiennement 20 minutes à des conversations avec ChatGPT 4.0. Dans le monde professionnel, chez Asterès, l’IA sert d’assistant pour élaborer des stratégies d’économétrie et de statistiques sur des sujets complexes.

Cependant, ces applications soulèvent une question cruciale : « Comment transforme-t-on l’IA générative en un véritable gain de productivité pour les entreprises ? » Cette réflexion met en lumière le défi actuel d’intégrer efficacement ces technologies dans les processus de travail. L’enjeu pour les entreprises est de capitaliser sur ce potentiel pour optimiser leur efficacité, tout en enrichissant l’expérience de leurs équipes et de leurs clients.

Intelligence Artificielle et emploi : entre espoirs et inquiétudes

L’impact de l’intelligence artificielle sur l’emploi suscite des débats intenses, mêlant promesses et préoccupations. D’un côté saluée pour sa capacité à libérer des tâches répétitives, l’IA alimente des craintes légitimes quant à la disparition de certains emplois. Julia de Funès identifie trois enjeux majeurs : pragmatique, hiérarchique et existentiel. Sur le plan pragmatique, l’IA peut soulager les travailleurs des tâches fastidieuses, permettant une meilleure efficacité. L’enjeu hiérarchique soulève la question du contrôle humain sur la machine. Enfin, l’enjeu existentiel, quant à lui, interroge la nature même du management à l’ère de l’IA. Si le management se réduit à des processus purement rationnels et impersonnels, l’IA pourrait effectivement le supplanter. Cela nous invite à repenser le rôle du manager, non pas comme un simple exécutant de tâches algorithmiques, mais comme un facilitateur d’interactions humaines complexes. Julia de Funès insiste : « L’intelligence humaine ne doit pas devenir victime de l’intelligence artificielle. » Elle souligne que l’impact de l’IA, positif ou négatif, dépendra de son utilisation.

Mais remettons ces inquiétudes en perspective. Nicolas Bouzou rappelle que la crainte de la destruction d’emplois par la technologie existe depuis l’Antiquité, citant même des empereurs romains qui ont tenté de limiter les avancées technologiques. Pourtant, l’histoire montre que l’émergence de nouveaux métiers a souvent compensé les pertes. La disparition complète d’un métier reste rare, nuance Bouzou : « Un métier, c’est rare que ce soit une tâche, un métier c’est plutôt coordonner plein de tâches différentes. » Cette observation suggère que l’IA pourrait modifier les emplois plutôt que les supprimer entièrement.

Aujourd’hui, paradoxalement, les salariés semblent souvent devancer les entreprises dans l’adoption de l’IA au quotidien. Cette tendance pourrait influencer la façon dont les organisations intègrent ces technologies à l’avenir.

L’intégration de l’IA dans le monde du travail

L’intégration de l’IA dans le monde du travail soulève des questions cruciales sur l’avenir de l’emploi et la transformation des entreprises.

Pour réussir cette transition, les experts proposent plusieurs pistes. Thomas Métivier souligne l’importance de la formation au sein des entreprises. Développer les compétences des équipes en matière d’IA et moderniser les infrastructures technologiques permettront de préparer les entreprises aux défis futurs. Julia de Funès met l’accent sur l’état d’esprit. Face à un avenir incertain, elle préconise une attitude ouverte et agile, essentielle pour naviguer dans un environnement technologique en constante évolution. Nicolas Bouzou, quant à lui, insiste sur l’enjeu national de l’adoption de l’IA. Il voit dans son utilisation judicieuse un enjeu de compétitivité.

Les intervenants de ce grand débat s’accordent sur la nécessité d’une approche équilibrée, qui exploite les avantages de l’IA tout en préservant et valorisant les compétences humaines uniques. L’enjeu est de taille : façonner un avenir du travail où l’IA est un outil d’amélioration plutôt qu’une menace.