Interview de Sébastien Durand, Directeur KPMG responsable de l’offre de digitalisation des commerces de proximité dans les territoires
1/ Pouvez-vous vous présenter en quelques mots (background, rôle dans l’entreprise, rôle dans cette offre) ?
J’accompagne depuis une quinzaine d’années en tant que consultant les entreprises de toute taille pour les aider à évoluer et ainsi saisir les opportunités offertes grâce au digital et aux nouvelles technologies, notamment dans leur relation avec leurs clients.
A travers mes expériences auprès de nombreux acteurs (retail, luxe, cosmétique, institutionnel, agroalimentaire notamment), j’ai développé une véritable expertise de bout en bout de la clarification d’une ambition jusqu’à sa déclinaison opérationnelle sur l’ensemble des composantes d’une entreprise (Organisation, Processus, Outils, Culture). Aujourd’hui Directeur chez KPMG depuis 4 ans, je fais partie de la tribu « Digital Customer » et suis en charge des offres autour du Commerce Unifié.
Dans ce cadre, en coordination avec notre practice « Secteur Public Local » qui dispose d’une forte expertise dans l’accompagnement des territoires et collectivités, nous avons construit une offre pour accompagner les commerces de proximité à prendre toute leur place dans l’espace numérique.
2/ Pourquoi avoir créé une nouvelle offre pour aider les territoires (collectivités, unions de commerçants, …) à saisir les opportunités offertes par le digital à la fois pour gérer le contexte actuel et préparer le futur de manière pérenne en réponse aux évolutions de comportements d’achat des consommateurs ?
Nous constatons que les attentes et les comportements d’achat des consommateurs évoluent déjà depuis plusieurs années à travers leur prise de pouvoir dans la relation avec les commerçants et leur attente d’une expérience client toujours plus personnalisée et améliorée :
– L’innovation s’accélère dans tous les domaines avec de nouvelles manières de consommer offertes notamment par de nouveaux acteurs
– Les canaux mis à leur disposition se multiplient avec un accès instantané à des catalogues sans limite
– La communication se développe entre les différents acteurs
– Les attentes servicielles explosent avec de nouveaux temps de consommation, la fin du libre-service, l’avènement de l’arbitrage temps choisi / temps subi
Même si cette évolution des comportements d’achat a commencé il y a un peu plus de dix ans, la crise sanitaire actuelle joue un rôle de catalyseur et d’amplificateur de cette évolution. Les consommateurs s’attendent désormais à vivre sur le long terme et de manière quotidienne avec le COVID-19 en adaptant leur manière de consommer. Paramètre nouveau : la sécurité sanitaire transforme le comportement des clients, la manière de sélectionner ses fournisseurs et l’utilisation des différents canaux disponibles. Les consommateurs continuent à être préoccupés par leur situation financière et l’optimisation de leurs ressources dans cette période d’incertitude économique. La facilité et la praticité de l’acte d’achat deviennent un atout compétitif clef. Le canal digital, en coordination avec les autres canaux, apparaît désormais comme le seul et unique canal de croissance capable de répondre aux nouvelles attentes des consommateurs. Ce basculement vers le canal en ligne ne doit pas être considéré comme un simple effet de mode. Ces nouvelles habitudes et comportements d’achat vont perdurer au-delà de la crise actuelle qui aura initié et converti une large part d’internautes à l’achat en ligne.
Ces nouvelles attentes et comportements d’achat des consommateurs ont défini un nouveau standard d’expérience client qui s’applique également au commerce de proximité. Selon la FEVAD, 75% des cyberacheteurs attendent de leurs commerces de proximité un service de livraison : 60% en Livraison A Domicile et 40% en retrait en magasin. Cette demande de mise à niveau au standard d’expérience client offert par les pure players du web, se conjugue avec la prise de conscience du rôle du consommateur en tant que client ET citoyen à agir sur son territoire : circuit court, achat responsable, dynamisation locale, qualité. Le commerce de proximité et le e-commerce apparaissent alors comme une combinaison gagnante dans une dynamique de commerce unifié avec une augmentation de la fréquentation et du chiffre d’affaires en magasin, une meilleure résilience en temps de crise en offrant un débouché alternatif, une occupation de l’espace digital face grâce aux grands acteurs généralistes, un élargissement de la zone de chalandise et de la durée d’ouverture, une clientèle mieux informée.
Convaincus que le commerce de proximité a toute sa place dans l’espace numérique, nous avons donc construit une offre d’assistance unique aux territoires, collectivités et acteurs économiques locaux pour les aider à définir leur propre modèle digital adapté à leur territoire et de manière pérenne. Pour cela, KPMG a défini une approche de conseil pragmatique, de bout en bout, adaptable à chaque contexte, selon 6 phases allant de la définition de l’ambition, du modèle adapté à la mise en œuvre en passant par l’audit, et le recrutement des commerçants. Nous sommes bien connectés à l’écosystème digital et avons créé des partenariats avec plusieurs opérateurs clefs e-commerce et de marketplace qui peuvent prendre part à cette démarche en fournissant la solution et le pilotage technique de la future plateforme.
3/ Quels sont les grands types d’acteurs de la digitalisation du commerce de proximité et quelles sont les conditions de réussite de ce type de projet ?
Un projet de digitalisation de commerce de proximité ne doit pas être considéré uniquement sous l’angle technologique. C’est avant tout un projet opérationnel avec des parties prenantes à embarquer avec notamment la ville/le territoire et l’union de commerçants locale qui vont jouer le rôle de donneur d’ordres et piloter dans la durée à travers une structure juridique identifiée, dédiée ou non, le dispositif digital de soutien au commerce de proximité. Cette structure doit être en charge des flux financiers, que ce soit au niveau de la collecte des aides et subventions existantes aux différents niveaux administratifs ou dans la gestion des flux financiers. Les commerçants, les clients, l’opérateur e-commerce /marketplace et le prestataire logistique sont chacun un pilier du dispositif de soutien au commerce de proximité en phase opérationnelle.
Il existe de nombreux opérateurs de marketplace disponibles sur le marché qui proposent de lancer des boutiques en ligne pour les commerces de proximité. Nous les classons en 3 grandes catégories :
– Les initiatives locales financées par les investissements de collectivités locales avec ou sans partenariats. Elles apparaissent difficilement portables sur d’autres territoires à cause de leur modèle économique spécifique, leur modèle de gouvernance ancré localement et le manque de visibilité sur leur pérennité et leur feuille de route.
– Les grandes marketplaces généralistes opérées par des grands acteurs du numérique. Elles sont peu, voire pas, ancrées localement et jouissent d’une image d’acteurs globaux éloignés et parfois opposés au commerce de proximité
– Les solutions en marque blanche pilotées par des petits acteurs spécialisés. Malgré des moyens limités, elles ont la capacité de lancer des initiatives locales avec une expertise de digitalisation des boutiques physiques.
Les principales conditions de réussite dans la mise en œuvre d’un dispositif de soutien au commerce de proximité sont d’après nous les suivantes :
– La gouvernance et le modèle économique devront être clairement définis et validés pour permettre au modèle de fonctionner et perdurer dans le temps
– Le trafic sera une condition clef de succès de la marketplace à travers son adoption et son utilisation par les clients (promotion, Expérience Utilisateur) mais aussi par les commerçants (recrutement, Expérience Marchand)
– Le mix-produit devra être le plus pertinent, exhaustif et complet possible pour la clientèle du territoire en offrant des options de livraison et des services adaptés
– Le système de paiement devra être sécurisé et pertinent mais aussi capable de gérer la facturation (flux financiers entre opérateur et commerçants)
– Les outils de gestion devront permettre aux commerçants de suivre et piloter leurs activités respectives de manière simple et intuitive
4/ Pourriez-vous partager le cas d’un territoire que KPMG accompagne actuellement dans cette démarche ?
KPMG accompagne par exemple depuis plusieurs semaines l’agglomération des Sables d’Olonne dans la définition et le cadrage de son futur dispositif de soutien au commerce de proximité. Nous travaillons de manière rapprochée et coordonnée avec la SEM Les Sables d’Olonne Développement et l’Office du Commerce et de l’Artisanat. C’est un cas de territoire spécifique et intéressant avec la prise en compte à la fois de commerces littoraux et rétro littoraux mais également une clientèle diversifiée avec les habitants et les vacanciers de passage.
5/ Comment voyez-vous le commerce de proximité évoluer à l’avenir ?
De toute évidence, il n’y aucune raison que le commerce de proximité s’interdise de saisir les opportunités offertes grâce au digital et que la posture parfois d’opposition entre commerce physique et e-commerce perdure.
Les comportements d’achat des consommateurs, qui sont aussi dans les territoires, évoluent avec des attentes de plus en plus fortes sur des canaux en ligne toujours plus intégrés aux boutiques physiques.
Le commerce de proximité qui bénéficie de l’énorme avantage de la proximité avec les clients, doit s’assurer d’offrir une expérience client en ligne cohérente avec son territoire et son bassin de vie. Le pouvoir local doit et peut agir pour faciliter la digitalisation de son tissu commercial afin de préserver l’emploi, soutenir l’attractivité du territoire et fédérer les commerçants indépendants. Afin de lancer un modèle pérenne pour l’avenir, l’offre d’accompagnement de KPMG, qui propose une combinaison unique d’expertises, prend alors toute sa pertinence.