Interview du mois – Les réelles opportunités de l livraison par drones en Europe

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Les réelles opportunités de l livraison par drones en Europe”

Ce mois-ci, nous avons discuté avec Jean-Luc Defrance, Director Process, IT et Numérique pour le Transport Express pour dpdgroup. dpdgroup est le réseau de livraison de colis express de GeoPost, filiale du Groupe La Poste. M. Defrance est responsable des projets de véhicules autonomes, drones et robots dans les dépôts au sein du groupe, et nous explique quelles sont les réelles utilisations et opportunités de ces technologies aujourd’hui.

 

1/ Pouvez-vous nous expliquer comment dpdgroup utilise les drones pour la livraison aujourd’hui ?

En décembre 2016, l’autorité d’aviation civile française nous a autorisés à livrer des colis par drone sur une ligne commerciale régulière dans le Var, entre Saint Maximin-la-Sainte-Baume et Pourrières. Le drone prend son envol à partir d’un terminal qui permet le chargement d’un colis de manière automatique dans le drone. Il décolle, passe au-dessus d’une autoroute après une centaine de mètres, et va livrer une pépinière d’entreprises, à 14 km du point de départ. Il vole de manière autonome et peut porter 2 à 3 kg de colis, en fonction du type de batterie testé. Afin de satisfaire la législation, il y a un pilote qui supervise en temps réel le vol du drone, ce qui permet en cas de problème de reprendre le contrôle du drone et d’avoir un niveau de sécurité maximale. C’est une ligne qui tourne 1 à 2 fois par semaine.

On a eu la possibilité depuis juillet 2019 de tester une deuxième ligne dans une zone montagneuse, vers un petit village à 18 km de Grenoble. L’objectif était de tester la livraison par drone dans une zone qui n’est pas facile d’accès. Il s’agit d’une route à sens unique, qui nécessiterait à un chauffeur de rouler pendant 30 minutes aller-retour, alors qu’un drone ne met que 8 minutes.

Il y a une différence majeure avec la première ligne que nous avons testée. Au lieu de partir d’un terminal de décollage pour aller vers un terminal d’atterrissage, le drone est installé à l’intérieur du véhicule du chauffeur. Quand le chauffeur s’arrête, il utilise sa télécommande pour ouvrir la porte coulissante, faire sortir un rail et enclencher le vol du drone. Le drone n’atterrit pas, il dépose le colis dans le terminal de livraison et revient à son point de départ dans le camion. Le destinataire reçoit alors un SMS avec un code qu’il utilise, comme dans les consignes, pour récupérer son colis.

Ce sont les deux tests opérationnels que nous faisons tourner régulièrement. Nous sommes l’un des seuls cas au monde à avoir reçu une autorisation officielle régulant l’espace aérien pour faire voler de manière régulière un drone de livraison.

2/ Quand pourrons-nous envisager des livraisons par drone dans toutes les villes ?

Ce n’est pas un objectif pour nous dans les prochaines années car les lois ne permettent pas de voler en ville. Nous testons ces livraisons dans des zones soit compliquées d’accès comme la montagne, soit reculées comme des îles, ou en campagne, ou encore pour être capable de livrer pendant des tempêtes ou autres événements météorologiques compliquant la livraison.

Les drones ne sont pas près d’être autorisés à livrer en ville, à survoler massivement des zones habitées. Pour l’instant, ils peuvent traverser une autoroute, mais ils volent majoritairement au-dessus de forêts ou de zones non habitées. Livrer en ville, malgré tout ce que vous pouvez lire dans les médias sur les fantasmes d’Amazon, Google ou DHL, ce n’est pas possible. Ce sont des coups publicitaires. Aujourd’hui, aucun concurrent n’a de réel certificat pour voler régulièrement. En Chine non plus, même s’ils ont une législation plus souple, vu la densité de la population, ils ne prennent pas ce risque pour le moment.

3/ Avez-vous l’intention d’ouvrir plus de lignes dans ces zones ?

Oui, sachant que nous assurons la livraison dans beaucoup de zones de montagne dans lesquelles la livraison est problématique, particulièrement l’hiver, comme dans l’arc alpin en Europe.

4/ Quels sont les principaux freins au développement de la livraison par drone ? Est-ce une technologie coûteuse ?

Le coût n’est pas un frein, c’est plutôt la réglementation qui freine. Aujourd’hui, nous sommes dans des phases de tests opérationnels, mais cela reste des tests. Ce sont donc des prototypes que l’on construit, que l’on a conçu ensemble avec la start-up Atechsys, qu’on fait évoluer en ajoutant des composants de différents fournisseurs en fonction des retours d’expérience.

5/ Quelle est l’empreinte carbone de la livraison par drone ?

Les drones tournent avec des moteurs électriques, donc ils ont une empreinte carbone très faible. On a en plus la capacité de recharger les batteries par panneaux solaires, donc l’empreinte est infime.

6/ Quelles sont les prochaines étapes pour DPD Group ?

Notre premier axe de développement est de trouver quelques autres lignes pilotes possibles. Nous étudions 2-3 lignes avec la collaboration des autorités administratives locales, en montagne et vers des îles.

Un deuxième axe de développement à plus long terme est de développer un drone de plus gros emport, c’est-à-dire qui est capable d’emporter plus de colis, pour mener des colis d’un point de dépôt de notre réseau opérationnel à un autre point opérationnel. Par exemple, pour livrer des colis dans des dépôts à 50 km des grandes villes et ainsi rapprocher les colis d’un centre urbain. Pour donner un exemple, le service Chronopost du Groupe La Poste livre à partir de plusieurs points de dépôt opérationnels à Paris en utilisant des moyens de livraison décarbonés. Nous pourrions envisager de faire livrer les colis dans ces dépôts par drone pendant la nuit.

7/ Avez-vous rencontré des problèmes lors des livraisons pendant les tests ?

Très peu, le taux de succès est de plus de 95 %.

8/ Est-ce que vous travaillez sur d’autres projets d’automatisation de la livraison ?

Nous avons testé des petits robots de trottoirs, mais nous avons fait marche arrière. Le problème des trottoirs, c’est que c’est un environnement ouvert. Il y a également un problème d’acceptabilité du public, ce qui est la raison principale pour laquelle certains tests ont été arrêtés en Californie.

Nous sommes en train de tester ce même type de robots articulés dans nos centres logistiques, qui sont des zones fermées sous notre contrôle, afin d’être capable de porter des colis “hors normes, c’est-à-dire qui ne peuvent pas être mécanisables sur les zones de tri automatiques.

Nous réfléchissons également aux applications du véhicule autonome. Nous avons travaillé avec un partenaire japonais sur un concept de consigne dans un véhicule autonome. Le véhicule avec consigne embarquée circulerait en ville, s’arrêterait à plusieurs endroits et préviendrait les clients qu’il va rester à un point précis pendant 10 minutes pour qu’ils viennent récupérer leurs colis. La technologie est quasiment fiable mais il y a la même problématique d’acceptabilité du public, et d’évolution des lois pour permettre la circulation des véhicules autonomes. Les seuls tests de véhicules complètement autonomes (de niveau 5) qui fonctionnent à l’heure actuelle sont les véhicules de la société lyonnaise Navya mais ils sont utilisables dans des cas bien précis : ils circulent à toute petite vitesse pour des raisons de sécurité, et majoritairement sur des parcours définis qu’ils connaissent par cœur. Avant qu’ils ne puissent circuler en ville, s’adapter à la foule, aux vélos, aux autres véhicules, il y a encore un pas à franchir.