La croissance du e-commerce en France s’accompagne d’une augmentation des livraisons et pose un défi environnemental majeur. Comment concilier la demande croissante de livraisons rapides avec la nécessité de réduire notre empreinte carbone ? La réponse réside dans l’innovation et l’adoption de pratiques plus durables.
Repenser les emballages
De nombreuses entreprises explorent des alternatives moins polluantes aux emballages traditionnels. L’utilisation de plastique et de carton recyclés gagne du terrain. En France, le taux de recyclage du papier/carton lié aux emballages ménagers atteint 63%, contre seulement 24,5% pour les plastiques (CITEO, 2022). Bien que ce soit une amélioration par rapport aux 58% de 2005, des efforts supplémentaires sont nécessaires pour un impact significatif.
La perception du carton comme matériau écologique incite parfois au suremballage. Certains commerçants ajoutent des couches supplémentaires de carton, sous-prétexte d’utiliser un matériau écologique, mais créant paradoxalement plus de déchets. Les emballages en carton sur mesure, adaptés aux dimensions exactes des produits, se développent pour contrer cet effet de rebond. Cette approche permet non seulement de réduire les espaces vides, mais aussi de réaliser des économies considérables, estimées à 46 milliards de dollars par an à l’échelle mondiale, tout en diminuant les émissions de CO2 de 122 millions de tonnes (DS Smith, 2021).
Des systèmes de consigne pour les emballages se développent également en France. Par exemple, la start-up Loop, en partenariat avec Carrefour, propose un système d’emballages réutilisables pour de nombreux produits du quotidien.
Le défi du dernier kilomètre
La livraison du dernier kilomètre représente un défi majeur pour l’e-commerce français. De plus en plus d’entreprises adoptent des flottes de véhicules zéro émission pour leurs livraisons urbaines, comme Chronopost qui s’est engagé à livrer l’intégralité de Paris intramuros avec des véhicules propres depuis octobre 2019. Dans les centres-villes denses, les petits centres de distribution combinés à des livraisons à vélo offrent une alternative écologique et efficace. La start-up française Olvo propose des solutions de livraison à vélo pour le dernier kilomètre, réduisant considérablement les émissions de CO2 par rapport aux camionnettes traditionnelles.
Au-delà des matériaux et des méthodes de livraison, c’est toute la chaîne logistique qui est repensée. La mutualisation des charges, par exemple, consiste à mettre en commun des produits et à répartir des coûts, des risques ou des ressources entre plusieurs entités. Selon une étude de l’Ifsttar, ce type de management logistique dans les grandes villes françaises pourrait réduire les émissions de CO2 de 10% à 30%.
Si ces innovations sont prometteuses, leur adoption à grande échelle reste un défi. Les coûts initiaux peuvent être plus élevés que les solutions traditionnelles. Cependant, selon une étude de McKinsey, les entreprises qui investissent dans la durabilité de leur chaîne d’approvisionnement peuvent s’attendre à une augmentation de leur valeur d’entreprise de 15 à 30% à long terme.
Le poids du consommateur et de la réglementation
Le consommateur influence les pratiques des entreprises par ses choix d’achat. Les e-commerçants peuvent guider ces choix en affichant l’empreinte carbone des options de livraison et en proposant des alternatives écologiques. Ikea, par exemple, livre par voie fluviale à Paris, réduisant ainsi la congestion routière et les émissions de CO2. Cette option est proposée par défaut aux clients parisiens. Selon une étude de l’Ademe (2022), 67% des consommateurs français se disent prêts à privilégier des options de livraison plus écologiques si on leur en donne le choix.
Depuis plusieurs mois des travaux lancés par le ministère de la Transition écologique et le groupe La Poste se sont tenus autour d’un objectif simple mais ambitieux : proposer aux e-acheteurs, au moment où ils choisissent parmi les modes de livraisons, un outil de calcul leur permettant de comparer l’impact environnemental des différentes options. Ces travaux ont réuni des e-commerçants, des acteurs de la logistique, des associations de consommateurs mais aussi l’ADEME et la Fevad pour mettre au point un outil de mesure de l’impact carbone des livraisons de commandes effectuées sur internet.
L’Union européenne et la France mettent en place des réglementations de plus en plus strictes. Récemment, la présidence du Conseil et les représentants du Parlement européen ont conclu un accord provisoire qui impose que tous les emballages soient recyclables d’ici 2030, que l’utilisation de substances préoccupantes soit minimisée, et que des objectifs de contenu recyclé minimum soient établis pour les emballages plastiques d’ici 2030 et 2040. Jean-Marc Liduena, associé chez Deloitte, commente : « Les e-commerçants français qui anticipent ces changements réglementaires et investissent dans des solutions durables seront mieux positionnés pour répondre aux attentes des consommateurs et aux exigences légales à venir. » Cette transformation ouvre la voie à un avenir plus durable, où la satisfaction des besoins logistiques ne se fait plus au détriment de l’environnement.