L’interview du mois : Interview de Florian Blanc, Fondateur de Geev

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1/ Pouvez-vous présenter brièvement Geev et son fonctionnement en tant que marketplace C2C ?

Geev est une application de don d’objets entre particuliers fondée en 2017. Avec 5 millions d’utilisateurs inscrits et plus de 26 millions d’annonces postées, Geev a créé une communauté axée sur le partage et la réduction du gaspillage. Le fonctionnement de Geev repose sur l’usage du don : simple, rapide et efficace. La création d’une annonce est très simple, le service est géolocalisé, le donneur reçoit très rapidement des réponses à son annonce, la personne qui récupère fait l’effort d’être arrangeante car l’objet est gratuit.

Les avantages de Geev vont au-delà de la simple redistribution d’objets. En encourageant le don, Geev a contribué à éviter 240 000 tonnes de CO2, tout en redistribuant un pouvoir d’achat estimé à 140 millions d’euros. Cette approche non seulement favorise une économie circulaire en prolongeant la durée de vie des objets, mais elle constitue également une alternative plus écologique et économique aux plateformes B2C e-commerce.

Geev se distingue également des plateformes C2C de vente, où la liquidité peut s’avérer très faible (sur certaines verticales jusqu’à 80 % des annonces ne trouvent pas preneur parfois) et où l’expérience utilisateur est dégradée par les contraintes qu’impose la vente.

2/ Quels avantages considérez-vous comme étant spécifiques aux marketplaces C2C, et quelles sont les limites potentielles de ce modèle ?

Les plateformes C2C tirent parti de l’essor de la seconde main constaté ces dernières années (le marché de la seconde main a triplé au niveau mondial depuis la crise Covid).

Sur le plan économique, ces plateformes offrent une flexibilité accrue pour ajuster les prix, car il est par nature beaucoup plus simple de jouer sur les prix dans un marché qui n’est pas contraint par les coûts d’achat et les coûts de production. Les plateformes C2C permettent surtout d’avoir accès à des biens de meilleure qualité ou des biens de marque à des personnes qui n’auraient pas pu se les offrir en neuf. Les plateformes de don comme Geev poussent, bien sûr, cette logique à son paroxysme.

Sur le plan écologique, le modèle C2C s’aligne avec la tendance croissante vers une consommation responsable, et l’impact environnemental devient un critère de plus en plus important dans les décisions d’équipement et d’achat des gens et des ménages. Le modèle « J’achète », « Je n’utilise que partiellement », « Je jette » tend à disparaître même s’il reste encore un peu de chemin à parcourir. 78 % des Français se mobilisent en faveur de la consommation responsable d’après le dernier baromètre GreenFlex-ADEME.

Malgré ces avantages, des contraintes subsistent. Face à l’urgence climatique, les comportements mettent encore du temps à évoluer et les pouvoirs publics restent encore timides dans leur action pour accompagner ce mouvement. Si on constate un essor considérable de la seconde main, on constate dans le même temps l’émergence de plateformes type Shein, Temu ou AliExpress qui ont un impact social et environnemental catastrophique. Si les plateformes C2C ont un principe de fonctionnement vertueux dans le sens où elles permettent d’allonger la durée de vie des biens, on peut aussi constater des effets pervers dans le sens où elles peuvent aussi encourager l’achat de neuf, avec une perspective de revente à court terme. Le bilan reste tout de même globalement positif.

3/ Comment voyez-vous le rôle de Geev par rapport à des marketplaces B2C ? Quelles sont les particularités dans la gestion des interactions entre les utilisateurs sur votre plateforme par rapport à celles impliquant des vendeurs professionnels ?

Geev se veut un prolongement des marketplaces B2C : si un consommateur cherche à s’équiper, il va d’abord essayer de trouver le bien recherché sur Geev ou d’autres plateformes C2C, avant d’éventuellement se rabattre sur du neuf et des plateformes B2C. Beaucoup de consommateurs vont également faire appel à nos services lorsqu’ils s’équipent en neuf, afin de donner une seconde vie au bien qu’ils cherchent à remplacer.

De fait nous travaillons aujourd’hui avec les plateformes B2C, en plus du retail physique, sur 2 mécaniques :

  • La reprise par le don : les plateformes, qui ont une obligation de proposer une option de reprise 1 pour 1 à leur client (obligation née de la loi AGEC en 2022), font appel à nous pour éviter des reprises via transporteurs coûteuses et rediriger leur client vers l’usage du don sur Geev.
  • La gestion des retours et invendus : notre d’ambition est d’apporter, via notre plateforme et notre communauté, une solution aux retailers pour les biens qui ne trouvent pas preneur via les canaux de vente traditionnels. Nous travaillons aujourd’hui sur les points de vente physiques mais avons à terme pour ambition d’apporter une solution aux plateformes en ligne B2C.

La gestion des interactions sur notre plateforme est très simplifiée et la convivialité prime sur Geev : les utilisateurs viennent en général chez nous pour un besoin spécifique, et reviennent ensuite pour l’expérience incroyablement positive qu’ils y ont trouvée, c’est le gros atout du don et de l’absence de transactions financières.

4/ Quelle est votre vision de l’avenir des marketplaces C2C dans 10 ans ? Quel rôle vont-elles selon vous jouer dans la transformation des comportements de consommation traditionnels ?

L’essor des plateformes C2C et de la seconde main va se poursuivre et s’amplifier, porté par un mouvement de consommation responsable impliquant non seulement de mieux consommer mais aussi de moins consommer. L’urgence climatique ne nous laisse pas le choix. Les plateformes C2C permettent d’accompagner ce changement en fournissant les bons outils aux consommateurs ; nous attendons également beaucoup des pouvoirs publics dans la mise en place de politiques incitatives permettant d’accélérer le mouvement.

Chez Geev nous rêvons d’un monde où le marché de la seconde main ferait jeu égal voire dépasserait le marché du neuf. Prenons-nous à rêver en nous disant que cela pourrait arriver dans 10 ans ! Les plateformes traditionnelles devront également adapter leurs modèles pour continuer à opérer, et l’essor des plateformes C2C s’accompagnera d’une transformation des plateformes B2C avec l’avènement de modèles C2B2C favorisant le reconditionnement et la remise sur le marché des biens d’occasion.