Jean-Marc Liduena, KPMG : “Lizee a gagné car ils ont ce supplément d’âme, qui est de répondre à l’attente des consommateurs de responsabilité sociale”

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KPMG est partenaire de la FEVAD depuis plusieurs années dans l’organisation du challenge Start Me Up. Nous avons interrogé Jean-Marc Liduena, Associé chez KPMG en charge des activités Advisory Consumer & Retail. Jean-Marc nous donne ses impressions sur la qualité des startups e-commerce françaises et européennes candidates au concours, les tendances qui s’en dégagent, les raisons qui ont orienté vers le choix des finalistes. Il nous en dit plus également sur l’étude sur la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) dans le e-commerce, que KPMG vient de publier avec la Fevad.

Vous organisez le challenge Start Me Up avec la Fevad. Combien de candidatures avez-vous reçues ? De manière générale, quel est votre ressenti sur la progression du nombre et la qualité des startups e-commerce en France ?

Nous avons reçu une quarantaine de candidatures, c’est un chiffre très similaire aux autres années. C’est un pool de startups très engagé.

Les membres de l’Advisory Board, qui sont des dirigeants du secteur du retail – La Redoute, Veepee, oui.sncf et Showroom Privé – , la FEVAD et l’ensemble de l’équipe KPMG ont été favorablement impressionnés par la qualité des startups démontrée cette année. Elle souligne le dynamisme de la French Tech, la résilience du e-commerce malgré la crise Covid19, ainsi que la puissance d’innovation de l’écosystème français.

Quelles tendances se sont dégagées cette année ?

Il y a un foisonnement d’idées d’innovation dans le e-commerce. Les startups touchent vraiment à tous les sujets : le taux de conversion, les “touch points” avec les clients, l’automatisation, la performance des sites web, la qualité des images et du display, la responsabilité sociale… Nous avons identifié trois grandes tendances.

Tout d’abord, des solutions émergent pour améliorer l’expérience consommateur, l’engagement client (vidéo, performance du site web, qualité de l’image, rôle des influenceurs) et la relation client.

Ensuite, dans la continuité des autres années, nous avons vu beaucoup de bots, notamment autour de la voix ; ce qu’on appelle le “voice commerce”.
Enfin, autre grand sujet cette année : la “supply chain”, avec la logistique et la chaîne d’approvisionnement, qui est critique pour le e-commerce et qui est au service de la relation client.  La situation du Covid19 en a exacerbé son importance, et de plus en plus de solutions adressent ces “touch points”.

A noter que l’ensemble de ces tendances mettent un accent particulier sur la relation client. 

Pourquoi les jurys et le public ont-ils sélectionné Lizee comme gagnante du concours ?

Je suis extrêmement content que Lizee ait gagné. C’était le coup de cœur de toute l’équipe KPMG et nous sommes très heureux que l’Advisory Board, mais également le public aient voté pour elle. Elle a gagné car elle rassemblait tous les facteurs clés de succès : une belle innovation, un bon dossier, un excellent pitch, une bonne équipe, et de bons résultats. Mais elle a aussi le petit plus, le supplément d’âme, qui est de répondre à l’attente des consommateurs en matière de responsabilité environnementale et sociale. Sa plateforme propose une solution pour aider les commerçants sur la logistique lorsqu’ils souhaitent proposer la location de leurs produits : Lizee contribue donc à l’économie circulaire. C’est cet aspect de responsabilité sociale et environnementale qui a été le différentiateur de Lizee par rapport aux autres.

Je trouvais qu’il n’y avait pas assez de startups sur ce sujet alors que c’est la préoccupation numéro un des cyberacheteurs et devient la priorité numéro un des e-commerçants également.

Je félicite aussi tous les autres, qui n’ont pas démérité ; et je pense qu’ils ont appris par la victoire de Lizee qu’ils pouvaient progresser sur la dimension sociétale de leur proposition de valeur.

Vous avez également réalisé une étude sur la RSE en collaboration avec la Fevad. Pouvez-vous nous en dire plus ?  Quelles ont été les conclusions de cette étude ?

L’étude porte sur la RSE au sein du secteur du e-commerce. Nous avons interviewé de très nombreux cyberacheteurs, e-commerçants, et avons approfondi notre enquête quantitative par du qualitatif (interviews) auprès d’une douzaine d’e-commerçants et prestataires logistiques. L’étude fait apparaître trois paradoxes :

  • Au niveau du cyber-acheteur : les consommateurs se déclarent extrêmement sensibles à la RSE quand ils achètent en ligne mais ce qui est intéressant, c’est que dans les faits, après analyse de leur consommation, les chiffres diffèrent un peu : 75% achètent des produits reconditionnés et recyclés, mais pour des raisons budgétaires plus que pour des raisons d’engagement environnemental. Dans la même veine, 56% des cyberacheteurs qui réduisent leur consommation le font d’abord pour des raisons budgétaires en particulier dues à la crise. Le prix reste donc de loin la première cause d’achat responsable des consommateurs. Ils se disent “J’achète le moins cher, et si c’est responsable, tant mieux”.
  • Au niveau des e-commerçants : la RSE devient structurante dans leur business model. Elle est même une de leurs premières préoccupations. 81% la mettent en top de liste de leur développement stratégique, en raison de plusieurs leviers parmi lesquels les attentes du consommateur. Et 80% disent déjà mettre en place des initiatives éco-responsables, par exemple sur l’information du consommateur ou la réduction des emballages. Cependant, ils sont moins de 10% à avoir déjà mis en place des initiatives pour réduire l’empreinte carbone de la livraison et du dernier kilomètre et moins de 50% à donner leurs invendus aux plus démunis. Les e-commerçants ont donc clairement du mal à traduire tous leurs engagements dans les faits, et il reste encore une marge de progrès significative.
  • Enfin, le troisième paradoxe est la tragédie sanitaire due au Covid qui a un impact douloureux au niveau du pays et de la nation, mais qui dans le même temps stimule la RSE dans le e-commerce aujourd’hui. La prise de conscience des consommateurs est grandissante ou renforcée et les e-commerçants se rendent compte qu’ils doivent davantage faire attention à ce qu’ils proposent et innover. Le Covid19 a en effet stimulé et accéléré l’innovation RSE. Le fait que Lizee ait gagné le challenge Start Me Up montre bien l’importance accordée à la RSE aujourd’hui. Je finirai sur les nombreuses initiatives de solidarité enclenchées par les e-commerçants depuis le début de la crise du Covid, dont beaucoup ont fait des dons de 1 ou 2 euros sur le ticket de caisse, des donations de masques, ont livré gratuitement les soignants et malades, etc. On a assisté à un feu d’artifice d’initiatives de responsabilité sociale.