Annie Guo est la fondatrice et CEO de SilkPay, une start-up fintech permettant aux commerçants français de proposer le paiement mobile aux touristes chinois. D’origine chinoise, Annie Guo est arrivée en France en 2001 pour réaliser ses études à HEC puis s’est envolée aux Etats-Unis pour effectuer un MBA. Après avoir travaillé à Hong Kong et à Londres dans de grands groupes financiers, elle décide de rentrer à Paris et de fonder sa propre start-up en 2016.
Pouvez-vous nous présenter SilkPay et comment la start-up se différencie-t-elle des acteurs financiers traditionnels ?
SilkPay est une start-up fintech qui existe depuis deux ans et qui est implantée dans l’incubateur Village by CA, géré par le Crédit Agricole. La mission de SilkPay est d’évangéliser les moyens de paiement mobile chinois. Il n’est pas obligatoire de modifier le système d’encaissement existant. En France et en Europe, 80 % des transactions sont réalisées par carte puisque le paiement mobile est encore un phénomène peu connu. En Chine, c’est le contraire, avec 80 % des transactions qui sont effectuées sur le mobile.
Nous permettons aux marchands français et européens d’accéder à une clientèle chinoise connectée qui effectue désormais ses achats de manière dématérialisée. Nos clients pensent qu’il est compliqué de mettre en place le paiement mobile alors qu’en réalité, une semaine suffit. Les coûts sont très faibles. SilkPay charge 1 à 2 % de commission sur les transactions réalisées et l’abonnement mensuel est de 25 €, incluant les frais de maintenance.
Comment le paiement mobile contribue-t-il à booster les ventes en ligne et en magasin des commerçants ?
Le paiement mobile permet de rassembler beaucoup de données. Utiliser le paiement mobile, c’est accéder à un véritable portefeuille électronique. Nous aidons les marchands pour qu’ils puissent mieux utiliser ces informations, et comprendre les différents outils qui sont à leur disposition.
Les applications de paiement mobile permettent aux marchands de se faire référencer. Les touristes chinois peuvent alors géolocaliser les hôtels, restaurants et magasins qui acceptent ce moyen de paiement. Si le marchand n’est pas référencé, c’est comme s’il n’existait pas pour les touristes. Les espèces et la carte ne permettent pas de se faire référencer, c’est donc un intérêt énorme pour les marchands.
Les deux moyens de paiement mobile les plus connus en Chine sont Alipay et Wechat Pay, pourriez-vous nous en dire plus (fonctionnement, nombre d’utilisateurs, fonctionnalités, etc) ?
Alipay est la branche de paiement du groupe Alibaba, qui est le numéro un du e-commerce en Chine.
La plateforme compte 650 millions d’utilisateurs, sur une population de 1,3 milliard d’habitants en Chine. Alipay n’est pas seulement un moyen de paiement, il s’agit aussi d’une néo-banque qui permet aux utilisateurs de contracter des microcrédits, de prendre rendez-vous avec des médecins et tous les services liés à leur vie quotidienne.
Sur le secteur du paiement mobile, Alipay détient 55 % des parts de marché en Chine.
Wechat Pay, quant à lui, appartient à Wechat, le premier réseau social en Chine qui compte un milliard d’utilisateurs. Contrairement à Alipay, ce ne sont pas que des Chinois qui utilisent Wechat. WeChat Pay a été lancé récemment, mais est devenu populaire grâce au concept de Hongbao, “les enveloppes rouges”, que les Chinois s’offrent dans les entreprises et lors de réunions familiales. La fonctionnalité de Hongbao permet aux utilisateurs de Wechat de s’en offrir de manière dématérialisée.
Wechat Pay compte 850 millions d’utilisateurs, mais est utilisé pour des montants moins importants qu’Alipay puisqu’il ne s’agit pas là d’une néo-banque. Les utilisateurs s’envoient surtout des enveloppes rouges et effectuent des transferts entre amis, donc ils n’ont pas forcément beaucoup d’argent sur leur compte Wechat Pay.
Combien de commerçants utilisent Silkpay aujourd’hui en France ?
Aujourd’hui, plusieurs dizaines de milliers de commerçants français utilisent la solution SilkPay. Le taux de pénétration reste néanmoins très faible par rapport au périmètre total.
Pourquoi, selon vous, l’implémentation des moyens de paiement mobile en France rencontre-t-elle plus de difficultés ?
La carte est très développée en France. Alipay date de 2004, il a fallu 10 ans pour qu’il devienne un moyen de paiement adopté par la majorité des enseignes. Comme la carte était un produit relativement nouveau en Chine, il était plus facile pour les Chinois de passer des espèces au paiement mobile. En Europe, les cartes sont liées à des grosses banques. Il est donc dans l’intérêt des banques de ne pas promouvoir le paiement mobile, car elles seraient perdantes.
En Europe, le paiement mobile risque de mettre plus de temps à s’implanter. Les régulateurs européens sont très stricts car ils ont peur de prendre des risques. En Chine, au contraire, les régulateurs voient d’un bon oeil le paiement mobile car les régulateurs peuvent récupérer tous les données des transactions par mobile qui n’est pas le cas des transactions effectuées en espèces.