Franck Lefevre a fondé Digital Airways en 1998, une agence spécialisée dans le développement d’expériences utilisateurs évoluées sur des systèmes embarqués dans des secteurs industriels tels que la téléphonie mobile, l’automobile ou l’aéronautique. Il y a trois ans, il fonde l’entreprise Newport IMS avec des partenaires dans le domaine du numérique et de la mobilité, afin de porter le projet Phebe. Phebe est un boitier pour voitures qui a pour objectif d’offrir aux automobilistes l’accès à des services variés grâce à la commande vocale, du paiement des places de parking, du carburant, des services touristiques à proximité ou du shopping du quotidien. Vous pouvez par exemple faire votre liste de courses qui sera transmise à des partenaires à proximité qui pourront effectuer la livraison.
Franck Lefevre participe au CES de Las Vegas depuis 5 ans. Il nous éclaire sur la tendance phare de cette année, la commande vocale, et ce qu’elle va changer dans les transactions commerciales.
En quoi Phebe diffère-t-elle des solutions de commande vocale développées par les GAFA, Amazon Echo et Google Home?
Phebe est très différente d’Amazon Echo et Google Home. Amazon Echo et Google Home sont très orientées information tandis que Phebe est orienté transactions commerciales. Google Home ne gère d’ailleurs pas de transactions à l’heure actuelle. Amazon Echo gère des transactions marchandes au travers de sa place de marché Amazon, mais n’est pas encore capable de gérer les transactions liées à la mobilité (gestion des paiements de parking, carburant, assurances, etc.). Alexa fonctionne comme une gare de triage vers des marchands. Vous pouvez demander à Alexa “Peux-tu demander à Pizza Hut de me livrer une pizza”, mais cela suppose que vous connaissez le fournisseur. La commande vocale est souvent considérée comme juste une nouvelle modalité d’interaction, mais ce qu’on demande de façon vocale n’a rien à voir avec ce qu’on demande de façon contextuelle. Le consommateur exprime un souhait (“peux-tu me livrer une pizza”) et non pas les moyens pour exprimer ce souhait (“peux-tu demander à Pizza Hut de me livrer une pizza”). Le vocal devient une interface vers un tas de produits.
Phebe accompagne les consommateurs dans le choix du fournisseur. Pour certaines activités, comme le parking, cela change tout. Il y a par exemple 7 à 8 opérateurs de parking en France, il faut connaître la nature du prestataire. Phebe propose de l’intelligence décisionnelle, épargnant à l’utilisateur de devoir se renseigner sur les prestataires.
Comment est décidé le choix de fournisseurs par Phebe, et quel est votre business model?
Dans certains cas, comme le parking, le choix est évident. Si le consommateur souhaite un pack de Coca-Cola, le fournisseur n’a pas d’importance. S’il a un fournisseur préféré, il peut alors le demander explicitement, ou il peut aussi demander “Je veux l’essence la moins chère à moins de 3 kilomètres de chez moi”. Le business modèle est très simple: Phebe touche des commissions sur les transactions.
Quand pensez-vous que la commande vocale va devenir mainstream, et qu’est-ce qui limite son usage à l’heure actuelle?
C’est imminent. Je pense que la commande vocale sera incontournable d’ici 2020. La technologie est prête. Ce qui manque dans la dynamique, c’est un modèle économique. Les entreprises en mesure de créer ces outils sont les GAFAs (Google, Amazon, Facebook, Apple). Mais leurs modèles économiques actuels ne sont pas compatibles avec une prestation de service effective. Ce que vend Google, c’est de la publicité. Amazon est plus proche de ce qu’attend le client, mais pas encore capable de rendre des services liés à la localité (par exemple pour l’essence ou pour proposer un guide audio lorsque le chauffeur passe à proximité d’un château). Amazon sait vendre des choses, mais si vous lui demandez de mettre du carburant sur votre note de frais, il n’en est pas capable.
Aujourd’hui, le système est encore déceptif. Alexa et Google Assistant veulent tout faire, mais vous ne savez pas s’ils seront en mesure de vous répondre, et bien souvent ce n’est pas le cas. Avec Phebe, on limite le spectre des possibilités à la mobilité, ce qui lui permet d’être conçu plus finement et de ne pas décevoir. Avec les apps, ça ne gène pas d’avoir une machine qui ne sait pas tout faire. Mais avec le vocal, l’intelligence décisionnelle est dans sa nature. Dans 10 ans, ces assistants sauront tout faire. Mais aujourd’hui la proposition de valeur n’est pas claire pour l’utilisateur. Ma conviction est que tout cela va évoluer très vite, poussé par la demande du client.